L'éducation des jumeaux : faut-il les éduquer de la même manière ?
Quand on a des jumeaux, on a beaucoup de travail, et beaucoup de questions en prime ! Grande question s’il en est : l’éducation des jumeaux. Difficile parfois de trouver des réponses, car il existe peu de livres sur ce thème… L’éducation des jumeaux consiste-t-elle à élever de manière « identique » ces enfants qui sont en apparence semblable ? Eh bien, non ! La clé de l’éducation des jumeaux, comme de tout enfant, semble être la différentiation. Avis de spécialistes…
Éducation des jumeaux : mythes et idées reçues
Il faut bien le dire : avant de penser à l’éducation des jumeaux, il faudrait penser à l’éducation des parents de jumeaux ! Pas facile en effet de se défaire de certaines habitudes ancestrales, comme d’habiller les jumeaux de la même façon. Le psychologue René Zazzo, spécialiste de la question, a observé dans une étude datant des années 60 que 98% des jumeaux de même sexe étaient habillés à l’identique ! Une habitude d’éducation qui se prolongeait à l’âge adulte pour 34% des cas.
Bon, c’est vrai que c’est mignon ! Que la maman qui n’a jamais craqué devant ces 2 petites robes identiques surmontées de 2 petites couettes toutes pareilles jette la première pierre.
Ce côté « 2 en 1 » fascine la plupart d’entre nous : que celui qui n’a jamais regardé un reportage sur le comportement fusionnel des jumeaux se dénonce à son tour ! On observe comme des bêtes de foires ces vieux garçons qui vivent ensemble à 50 ans passés et qui terminent mutuellement leurs phrases… On s’amuse de ces réunions annuelles de jumeaux ou les couples se forment, jumelles avec jumeaux. Ce qui s’appelle « trouver son double » !
D’ailleurs, les jumeaux fascinent depuis toujours par leur étrangeté, et cela bien avant qu’Igor et Grichka Bogdanoff ne soient apparus sur les petits écrans ! Souvenez-vous, Romulus & Rémus, Castor & Pollux, Jacob & Esau… Que du beau monde !
Autre mythe qui a la vie dure sur les jumeaux, et que dénonce Muriel Descamps dans son ouvrage « Idées reçues, les jumeaux » : « Il y a toujours un dominant et un dominé ». Cette perception des choses peut avoir un effet sur l’éducation des jumeaux : par exemple dans un couple de faux jumeaux, inconsciemment, les parents attendent de la fille –censée être plus mûre- qu’elle « materne » son jumeau garçon. Ou encore on attribuera la position de « leader » au bébé le plus vigoureux ou au premier sorti considéré comme l’aîné (encore une idée reçue, mais sans fondement scientifique !).
Mais penser qu’il y a un dominant et un dominé, c’est enfermer les jumeaux dans un rapport de force. Alors que, comme le souligne Muriel Descamps « les jumeaux seraient plutôt comparables à un train, chacun étant tour à tour la locomotive ou le wagon, suivant les circonstances ».
Éducation des jumeaux : vive la différentiation !
Grâce aux travaux de René Zazzo, le regard sur l’éducation des jumeaux a fondamentalement changé. Au-delà des considérations vestimentaires, ce psychologue a mis en évidence que l’on considérait trop souvent les jumeaux comme une « paire ». Ou, selon l’expression d’une autre psychologue, Claude Halmos, comme une entité constituée de deux « ½ » personnes. Façon « Dupond et Dupont » en somme !
Or, explique René Zazzo, les jumeaux ne fonctionnent pas comme une paire, mais comme un couple : ils s’influencent naturellement et ont tendance à se définir l’un par rapport à l’autre. Le rôle des parents est alors d’aider les jumeaux à se « séparer » pour construire leur individualité propre. L’enfant est une personne - Merci Dolto !- et, incroyable, le jumeau aussi ! Comment se construit cette petite personne, me direz-vous ? Dans le regard de l’autre, et d’abord dans celui des parents. D’où la nécessité de la différentiation, c’est-à-dire selon Muriel Descamps « le fait d’accorder à chaque enfant le statut d’être unique, même pour des jumeaux monozygotes. On parle aussi de degémellisation. »
Une fois qu’on a compris la nécessité de la différentiation, comment l’applique-t-on à l’éducation des jumeaux ? Connaître le principe, c’est déjà beaucoup, rassure René Zazzo. Si on est persuadé intérieurement que chaque jumeau est unique, les enfants le percevront.
En pratique, on oublie les petites couettes toutes pareilles, désolée les mamans… On évite les prénoms aux sonorités trop proches - John et Jean - et on appelle chaque enfant par son prénom. Halte au « Venez ici les jumeaux » ! On les habille différemment dès le plus jeune âge, ce qui, d’ailleurs, se produit en général à l’adolescence : Cf les jumelles-starlettes, Ashley et Mary-Kate Olsen, qui en grandissant ont chacune affirmé leur look… et leur caractère !
A la maison, on proscrit le berceau pour deux et on aménage à chacun un coin perso. On prend le temps de passer des moments séparés et agréables avec chacun. Quant à l’école, vaste sujet : L’institut Mendel de Rome a suivi 18 000 cas de jumeaux et a déterminé que les classes séparées leur sont plus favorables. Chacun y construit naturellement sa personnalité, avec ses copains, son rythme d’apprentissage, ses préférences… Mais il y a un tempo idéal pour cette « séparation » : Avant le CP, classe où –inconsciemment- l’enseignant commence à « comparer » les performances de chaque jumeau. Mais pas l’année du CP ou la première année de maternelle, car les débuts de cycle sont déjà des étapes suffisament impressionnantes pour ne pas en rajouter !
Éducation des jumeaux : un modèle éducatif ?
Et si finalement, l’éducation des jumeaux était un modèle éducatif applicable à tous ? Les parents des jumeaux, par la particularité de leurs situations, se retrouvent confrontés à des questions que devraient finalement se poser tous les parents.
Donner le biberon devient une aventure ! Quand on se retrouve avec deux bébés hurleurs, 16 biberons par jour suivis de 16 couches à changer, forcément, on va à l’essentiel ! D’où la culpabilité de certains parents, qui ont parfois l’impression, par manque de temps, de ne pas « donner » assez à leurs jumeaux. Les parents de jumeaux sont finalement obligés de reconsidérer l’amour parental sous son vrai jour : non pas une disponibilité absolue, impossible, mais une volonté que l’enfant s’épanouisse.
De même, nous l’avons vu, les parents de jumeaux sont dans l’obligation de regarder chaque enfant dans sa singularité, pour le « degémelliser ». Ils sortent ainsi de l’éducation égalitariste –donner pareil à chacun- aux effets parfois pervers car « les enfants vont s’habituer à comptabiliser chacun des actes des parents » nous dit Muriel Descamps. Paradoxe : on aspire de bonne foi à la juste égalité, ce qui conduit les enfants à comparer et… à s’offusquer en cas d’injustice flagrante dans le nombre de cuillères de purée !
Et si on arrêtait de se focaliser sur l’égalité ? De même que chaque jumeau est différent, l’aîné n’est pas le benjamin. Il n’occupe pas la même place dans ce système qu’est la famille. Et nous, nous ne sommes pas les mêmes parents avec le petit dernier qu’avec notre premier ! « Plutôt qu’une attitude égalitariste » conclue Muriel Descamps, les enfants « attendent de leurs parents de l’amour, de la reconnaissance, de l’équité entre frères et sœurs, et du bon sens. »
Entendu, il n’y a plus qu’à faire son job de parent maintenant !
Sources : Idées reçues, les jumeaux (Editions Le Cavalier Bleu), Muriel Descamps
Le paradoxe des jumeaux (Stock), René Zazzo
Pourquoi les aînés veulent diriger le monde et les benjamins le changer (Marabout), Michael Grosse
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