Le lien mère-enfant, objet de recherches
Dès la naissance, la mère et l’enfant échangent sur un même rythme. Ce dialogue intime, source d’épanouissement et de développement pour l’enfant, constitue un réel soutien en cas d’hospitalisation.
Ce sont les expériences de Jacqueline Nadel, chercheur au CNRS, qui ont mis l’accent sur l’importance de ce lien essentiel entre la mère et son nouveau-né. Installés dans deux pièces différentes, des mères et leurs bébés de 2 mois pouvaient se voir et s’entendre en continu grâce à un double circuit de téléprompteurs.
Le bébé se trouvait toujours en présence du visage souriant de sa maman et bercé par le son de sa voix. Il entrait en relation avec elle par des mimiques, des babillages et des gestes. Cependant, il suffisait de diffuser l’image maternelle en léger différé - 30 secondes - pour plonger le bébé dans le désarroi : sa mère n’était plus "en phase" avec lui. Certains nourrissons pleuraient, avaient le hoquet ou détournaient les yeux et la tête, signe de stress et de mal-être. Ce lien - appelé "synchronie" - intéresse de plus en plus les maternités.
La synchronie dès la gestation
Cette synchronie se met en place dès la gestation. "Durant la grossesse, le fœtus partage la biochimie de sa mère. La synchronie est à la fois physiologique, hormonale et sensorielle", explique la chercheuse. Après la naissance, ce dialogue intime s’enrichit : le bébé réagit à l’odeur de sa mère, au son de sa voix, à ses regards, à ses émotions. Joie, tristesse, surprise : très tôt, le nouveau-né distingue leur expression sur le visage maternel, les imite et y répond.
"Même les rythmes cardiaques de la mère et du nourrisson se synchronisent lorsque la maman et le bébé entrent en interaction", note Jacqueline Nadel. Ce que confirme Nadia : "Deux mois après l’accouchement, la nuit, je me réveille toujours quelques minutes avant que ma petite fille réclame le sein, comme si j’avais un sixième sens en éveil. Après la tétée, elle est toute détendue, en peau à peau contre moi. Je pourrais presque me rendormir en même temps qu’elle. Dans ces moments-là, on est parfaitement en phase."
Essentiel pour le développement de l’enfant
Ce lien, qui se tisse en général spontanément, est fondamental pour le développement de l’enfant. Par exemple, un bébé porté dans les bras instaure un dialogue "tonique" avec celui qui le porte, développant ainsi sa sensorialité et sa motricité. "Grâce à cette proximité physique et émotionnelle, le bébé découvre qu’il compte pour l’autre. En cela, la synchronie est un réel cadeau pour la vie", relève Jacqueline Nadel.
Il existe cependant des situations où cette synchronie a du mal à se mettre en route. Cela survient notamment lorsque le bébé est hospitalisé ou en cas de dépression postnatale de la mère. "Lorsqu’une mère ne se sent pas heureuse avec son bébé, elle en éprouve souvent de la honte et de la culpabilité, mais elle ne s’identifie pas forcément comme déprimée, note le Dr Gisèle Apter, responsable de l’unité de psychiatrie périnatale d'urgence mobile en maternité à Antony (Hauts-de-Seine). Il ne faut cependant pas hésiter à parler de cette tristesse avec son médecin afin qu’une prise en charge appropriée puisse se mettre en route le plus tôt possible."
Retrouver le bon rythme
Dans ce cas, la maman entre certes en relation avec son nourrisson, mais sur un mode peu dynamique pour lui. Or il a besoin d’être stimulé et de se sentir en mesure d’émerveiller sa maman. Sinon, il s’enferme, lui aussi, dans la tristesse et le désintérêt. "Plus la prise en charge démarre rapidement, plus vite la situation peut se corriger, poursuit le médecin. En cas de dépression légère, le soutien familial, les conseils des puéricultrices, des pédiatres ou des médecins suffisent pour redonner confiance à la mère. On aide autant la maman que le bébé, le but recherché étant la remise en route des interactions sur un mode plus gratifiant".
"Ensuite, un cercle vertueux s’instaure : la maman est plus active, donc le bébé réagit davantage, ce qui réconforte la maman, qui multiplie alors les interactions avec son bébé, etc. Cette prise en charge permet à la mère de recouvrer une meilleure estime d’elle-même. Les réactions positives de son bébé l’aident aussi dans ce cheminement", conclut le Dr Apte. Lorsque la mère ne présente pas d’antécédent dépressif, cet épisode évolue en général positivement en quelques semaines, sans qu’il y ait besoin de recourir aux médicaments ou à une thérapie psychologique.
L’avis du Pr Guy Moriette, chef du service de médecine néonatale de l’hôpital Cochin
Toute l’équipe - médecin, infirmières, psychologues, assistantes sociales et puéricultrices - cherche à atténuer le traumatisme dû à l’accouchement et à redonner confiance à la mère, en lui permettant de toucher le bébé dans la couveuse, de lui parler et, selon le degré de prématurité, de s’impliquer dans les soins quotidiens.
Nous encourageons le portage en peau à peau avec la mère ou le père afin de compenser le manque créé par une grossesse écourtée, ce qui permet d’établir un contact fort, indépendant de la parole. En offrant au bébé de nombreuses stimulations sensorielles et un sentiment de sécurité, cette aide à l’établissement de la synchronie constitue un véritable outil de soins.
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